Des grands vins et des grands hommes

 


Napoléon et le Chambertin



La prédilection de Napoléon pour le Chambertin date probablement de l’époque où, jeune officier d’artillerie, il séjourna quelque temps en Côte-d’Or. En 1798, il affectionnait déjà tellement ce vin qu’il ne lui était infidèle, parfois, que pour une coupe de champagne.


Bourienne raconte qu’avant son départ pour l’Égypte, il avait fait une bonne provision de vins de Bourgogne ; et plusieurs de ses caisses ont traversé deux fois le désert et le reste des vins ramenés à Fréjus avaient le même goût qu’au départ.


Plus tard, c’est la maison Soupé et Pierrugues qui livrait régulièrement à Napoléon son chambertin. Napoléon se faisait livrer habituellement un Chambertin de 5 à 6 ans d’âge et en buvait une demi-bouteille à chaque repas. C’était son vin préféré, son vin de tous les jours, qui le suivait dans chaque campagne militaire, y compris au cœur des plus terribles batailles.

 

Durant les grands froids de la campagne de Russie, en 1812, l’aide de camp de Napoléon conservait ce vin contre sa poitrine pour pouvoir, à tout moment, lui servir du vin chambré.

 

Il est dit que c’est faute d’avoir bu son verre de Chambertin le jour de la bataille de Waterloo que Napoléon connut la défaite. Petite cause, grandes conséquences, cette anecdote est l’illustration napoléonienne de l’effet papillon. Le Chambertin devrait être obligatoire. Les anglais, victorieux à Waterloo rappelons-le, proposent une autre version : ils affirment que Napoléon aurait abusé de son vin préféré la nuit précédent la bataille et qu’il était saoul au combat, ce qui le fit tomber de cheval !



Henri IV et le Jurançon



Le roi Henri II de Navarre, achète une vigne à Jurançon en 1552 et fait entrer définitivement la région dans l’histoire de France un an plus tard lors du baptême de son petit-fils.

Les coteaux sont déjà couverts de Petit Manseng et de Gros Manseng lorsque le roi Henri II humecte les lèvres du futur roi Henri IV, de Jurançon rendant l’appellation célèbre par la même occasion.

Henri IV, aime sa région et son vin. Il donne au Jurançon ses lettres de noblesses en le désignant vin de cérémonies de la Maison de France.

Pourtant, en 1924, le Jurançon « disparaît » lors de la catastrophe du phylloxéra. L’Europe du Nord, qui l’apprécie beaucoup devra se contenter de faibles quantités et le Jurançon sera relégué au statut de vin de messe.

Pourtant, peu à peu, la Cave des Producteurs de Gan et quelques propriétaires rendent tout son prestige à ce petit vignoble de montagne au passé prestigieux.



Charlemagne, l’Empereur à la barbe fleurie



L’Empereur Charlemagne est un fin consommateur de vins. Cet athlète de près de deux mètres de haut – fait exceptionnel à l’époque – boit mais ne s’enivre pas.


Grand propriétaire terrien, il surveille de près ses vignobles et ses celliers. Chaque année, il exige de ses 600 intendants des informations précises sur les ressources et les besoins de chacune de ses exploitations.


Son vin rouge préféré provient de son vignoble localisé sur la colline de Corton mais au fil des ans, les nombreuses dégustations laissent des traces sur sa barbe blanchissante. Il est ainsi surnommé « Charlemagne, l’Empereur à la barbe fleurie ».

Liutgarde, la femme de l’Empereur, considère cette barbe indigne de son mari et l’encourage donc plutôt à boire du vin blanc.

Pour faire plaisir à sa femme et pour continuer à déguster son Corton favori, Charlemagne replante alors une partie du vignoble avec des vignes de raisins blancs et devient ainsi responsable de l’apparition du Chardonnay sur les terres d’Aloxe.



Thomas Jefferson, œnologue distingué



Thomas Jefferson est le troisième Président des Etats-Unis et fut au préalable ambassadeur en France où il entretient une réelle passion pour la culture française et son patrimoine viticole.

Oenologue distingué, il visite le bordelais en mai 1787. Il décrit les terroirs, cherche à classifier les vins du bordelais et influence ainsi fortement la classification officielle des grands crus réalisée en 1855, soit près d’un siècle plus tard.

Jefferson distingue quatre crus de première qualité : Margaux, La Tour de Ségur (Latour), Haut-Brion, Lafite (Lafite-Rothschild) et cinq seconds crus : Rozan (devenue depuis Rauzan-Ségla), Dabbadie ou Lionville (Léoville-Las Cases), La Rose (Gruaud-Larose), Quirouen (Kirwan), Durfort (Durfort-Civens).

Amateur de blancs comme le château Carbonnieux, il commande 85 caisses de Latour et Yquem pour Georges Washington ; et pour lui du Rauzan-Ségla, Yquem et musquat de Frontignan. Le millésime 1784 du Château d’Yquem l’impressionne particulièrement.

Le virginien visite les domaines de Bourgogne à cheval. Meursault et Montrachet ont sa préférence. Il commande ainsi une douzaine de plants qu’il tente vainement de transplanter à Monticello, sa propriété en Virginie.



LE PACHA DE BONNEVAL et sa bibliothèque



Claude Alexandre, Comte de Bonneval, est officier de marine. Placé à la tête d’un régiment lors des guerres d’Italie du 18eme siècle, Il s’y couvre de gloire.

Forcé de se réfugier en Autriche pour avoir offensé Madame de Maintenon, il passe au service du Saint Empire Germanique et combat les Ottomans. De nouveau, il doit fuir après s’être brouillé avec le Prince Eugène de Savoie.

Accueilli par la Sublime Porte à Constantinople, il est nommé Pacha à Trois Queues et s’attache à réorganiser l’artillerie de l’armée turque. Lors de sa venue dans la ville, Casanova souhaite rencontrer cet illustre personnage. Le Pacha dirige son hôte et homme de lettre vers sa bibliothèque où il conserve les plus belles histoires de Bourgogne – en d’autres mots, les meilleurs flacons de la région.



« La lettre du cardinal m’annonçant pour homme de lettre, le Pacha de Bonneval se leva en me disant qu’il voulait me faire voir sa bibliothèque.
Je le suivis au travers du jardin et nous entrâmes dans une chambre garnie d’armoires grillagées et derrière le treillis de fil de fer on voyait des rideaux : derrière ces rideaux devaient se trouver les livres.

Tirant une clef de sa poche, il ouvre et au lieu d’infolio je vois des rangées de bouteilles des meilleurs vins, et nous nous mîmes tous deux à rire de grand cœur.

– C’est là, me dit le Pacha, ma bibliothèque et mon harem ; car, étant vieux, les femmes abrégeraient ma vie, tandis que le bon vin ne peut que me la conserver ou au moins me la rendre plus agréable. »


Les Mémoires de Casanova



Winston Churchill et Pol Roger



Churchill
Winston Churchill, grand amateur du Champagne Pol Roger depuis 1908 était un inconditionnel de la marque.


A la suite de sa rencontre avec Odette Pol-Roger, petite fille de Richard Wallace, en 1944 lors d’un dîner organisé à l’ambassade britannique à Paris, pour célébrer la libération, il fut tout autant captivé par son élégance et sa beauté que par le Pol Roger 1928 qui fut servi ce jour là. Elle avait 33 ans, lui 70 ans.

De cette rencontre est née une amitié qui durera jusqu’à la mort de Sir Winston à l’âge de 90 ans.
On se souvient encore que lors d’un bal à l’ambassade britannique organisé par Duff Cooper (premier ambassadeur britannique dans le Paris libéré) en 1947, Churchill fit une entrée remarquée au bras de la délicieuse Odette Pol Roger dans une robe de satin rouge.

« Je ne peux vivre sans Champagne : en cas de victoire, je le mérite ; en cas de défaite j’en ai besoin. »

Winston Churchill